[Chapitre 2] La synthèse FM et les débuts de la production musicale chez soi

Fer de lance des synthétiseurs numériques, le DX7 (sorti en mai 1983, ici à l’avant-plan) et son successeur, le DX7IIFD (octobre 1986, derrière lui). En arrière-plan le DX1 (1983), et entre les deux, le DX5 (1985). Équipé d’un générateur de sons FM, d’une mémoire interne de 32 sons (+32 autres sur une cartouche ROM enfichable), le DX7 était proposé au prix de 13500 F de l’époque, équivalents à 4200 euros actuels. Le DX7 et les instruments de la série DX connurent un succès commercial impressionnant : plus de 420 000 instruments vendus dans le monde entier ! Le corps du DX7 était de couleur marron, accordé au boîtier de l’ordinateur musical YIS commercialisé par Yamaha à l’époque.

[Chapitre 2] La synthèse FM et les débuts de la production musicale chez soi

Des progrès importants dans les technologies des semi-conducteurs

photo:Testing FM tone generation at Standard University in the USA

Séance d’essais de générateurs de son FM à l’Université de Stanford, USA.

photo:Dr. Chowning, of Stanford University, using a GS1 voice programmer to create sounds

Le Dr. Chowning, de l’Université de Stanford, utilise un programmeur de GS1 pour créer des sons.

Au début des années 80, les composants électroniques basés sur semi-conducteurs connaissent une explosion de popularité : des appareils impossibles à fabriquer avec les technologies antérieures commencent à apparaître sur le marché et se succèdent rapidement. Des termes tels que "circuit intégré" et "intégration à grande échelle" commencent à apparaître dans les énoncés des examens d’entrée à l’université, et nombre de fabricants se lancent dans la production de jeux électroniques basés sur ce type de circuits. Les avancées réalisées dans le domaine des semi-conducteurs au fil de cette décennie sont vraiment remarquables.

Une des technologies les plus notables que permettent ces progrès rapides est la synthèse FM (génération numérique de sons par modulation de fréquence). Ce procédé de synthèse sonore a été développé à l’origine à l’Université de Stanford, aux USA, et Yamaha fut la première entreprise à identifier son potentiel, signant avec l’Université un contrat de licence exclusive dès 1973.

Notre équipe de recherche a commencé à travailler sur les générateurs de sons FM dans le cadre d’un projet de passage des orgues Electone® aux technologies numériques. Dès 1974, date de commercialisation du synthétiseur analogique Yamaha SY-1, nous avions déjà réalisé un prototype d’instrument intégrant des générateurs numériques travaillant en synthèse FM. Hélas, il était alors impossible de le mettre sur le marché, à cause du nombre impressionnant de circuits intégrés nécessaires, seule technologie disponible alors, et aussi à cause des difficultés d’équilibrer forme et fonctions. À mesure que la technologie des semi-conducteurs avançait, nous avons réussi à créer un instrument dont les caractéristiques nous ont semblé acceptables. En avril 1981, sept ans après le début du développement, Yamaha intégra son premier générateur de sons FM dans l’Electone F-70, un modèle devenu classique. Un mois plus tard, arrivait le GS-1, un clavier conçu pour une utilisation sur scène.

photo:A voice programmer for the GS1

Le programmeur de sons "Voice Programmer" du GS1

L'un des points forts de la synthèse FM est sa capacité à recréer, avec un remarquable réalisme, les sons évolutifs et riches en harmoniques : par exemple, le piano électrique, les cuivres, le glockenspiel. Aujourd’hui, l’échantillonnage est devenu la base de la génération sonore, et comme cette technique part d’enregistrements réels, nous nous sommes habitués à ce que nos synthétiseurs restituent sans effort les sons de nombreux instruments de musique différents. Mais au début des années 80, les synthétiseurs analogiques étaient tout simplement incapables de restituer certains types de sons, comme les sons de cloches ou de percussions métalliques. Sous cet aspect, les sons FM du GS1 étaient incroyables.

Le GS1 n’était pas commercialisé comme un synthétiseur – il ne permettait pas l’édition des sons sur l’instrument lui-même. L’utilisateur gérait les sons par l’intermédiaire de cartouches qui permettaient de modifier la banque de 16 sons que le GS1 pouvait générer. Un périphérique spécifique fut toutefois créé pour permettre la programmation des sons par les développeurs. Toutefois il faut avouer que les difficultés de programmation des sons ont constitué un obstacle de taille dans la réalisation d’un synthétiseur commercialement viable.

photo:Released in 1981, the GS1 digital keyboard featured FM tone generation and touch-sensitive control. Notable for its grand piano-like body, the GS1 was an expensive instrument that sold for 2.6 million yen.

Commercialisé en 1981, le clavier numérique GS1 offrait un générateur de sons FM et un clavier sensible à la vélocité et à la pression. Remarquable par ses formes évoquant celles d’un piano à queue, le GS1 était un instrument cher, vendu au tarif de 2,6 millions de yens au Japon, soit environ 30 000 € actuels.

Le concept d’interface utilisateur

Pour modifier en temps réel les sons générés par un synthétiseur analogique, on faisait passer le signal audio correspondant par des résistances et des composants électroniques commandés en tension. Il suffisait alors de prévoir des potentiomètres ou curseurs à résistance variable pour intervenir sur le son. Le nombre et la disposition de ces contrôleurs variait nettement selon la conception et la taille du synthétiseur lui-même: ainsi, le Yamaha CS-80, que nous avons présenté dans le Chapitre 1, possédait un très grand nombre de boutons. Toutefois, les synthétiseurs numériques gèrent bien davantage de paramètres que leurs prédécesseurs analogiques - assigner un contrôle physique à chacun d’entre eux serait tout à fait irréaliste.

De plus, il ne faut pas oublier que les synthétiseurs numériques font exécuter des programmes à un processeur, exactement comme un ordinateur. Pour générer un nouveau son, il faut appeler le programme correspondant. Et si l'on veut pouvoir modifier les paramètres eux-mêmes, le synthétiseur exige un logiciel d’édition qui nécessitera ses propres touches et potentiomètres pour entrer les valeurs de paramètres – autrement dit, en termes modernes, il exigera sa propre interface utilisateur (UI).

photo:A catalog showcasing the GS1 and GS2 (for Japan). Chick Corea appeared in the opening pages.

Catalogue japonais mettant en vedette les GS1 et GS2. Chick Corea apparaît dès les premières pages.

L'une des interfaces utilisateur parmi les plus familières aujourd’hui est l’ensemble écran/clavier/souris d’un ordinateur. Mais en 1980, l'ordinateur personnel sous Windows ou Mac OS n'existent pas encore: les utilisateurs professionnels communiquent avec leurs ordinateurs par l’intermédiaire de lignes de commande saisies au clavier. Les méthodes qui nous semblent si naturelles aujourd’hui, comme l'interface graphique avec interaction à la souris ou à l’écran tactile, n’étaient pas disponibles alors. Lors du développement de synthétiseurs numériques, il a donc fallu créer une interface utilisateur claire et simple, pensée pour un musicien qui voulait pouvoir interagir avec le son d’une façon intuitive, et pour un utilisateur qui n’avait aucune expérience de la programmation informatique. C’était là peut-être le plus grand défi à relever.

Nos développeurs conçoivent alors une nouvelle solution : le pupitre de programmation apparaissant dans les pages ci-dessous. Son interface utilisateur était basée sur une combinaison de lampes et de touches, que le programmateur de sons utilisait pour savoir où il en était par rapport aux précédentes valeurs des paramètres lorsqu’il effectuait des modifications.

Les interfaces utilisateur des synthétiseurs modernes assurent un accès complet et libre à tous les paramètres internes. Nous ne nous rendons pas compte de cette chance, mais c’est loin d’avoir toujours été le cas. Lorsque les technologies de semi-conducteurs et informatiques évoluaient à une vitesse grand V, il a fallu bien des essais, des erreurs, des idées pour aboutir à une interface utilisateur facilitant la création de sons. C’était là une étape décisive à franchir pour le développement des synthétiseurs.

photo:The TRX-100 prototype, the basis for the GS1

Le prototype TRX-100, sur lequel est basé le GS1

photo:The programmer for the TRX100

Le pupitre de programmation du TRX-100

photo:One of the programmers built as a test, consisting of a combination of lights and buttons.

Pupitre de programmation en phase de développement: on remarque la combinaison de touches et de témoins lumineux.

L’arrivée du DX7 transforme la scène musicale

Malgré tout, deux ans après avoir développé un générateur de sons FM, créé une interface utilisateur de programmation et d’édition de sons, et mis sur le marché le GS1 avec succès, Yamaha présenta son synthétiseur à modulation de fréquence, le DX7. Au cœur du générateur de sons FM réside le concept d’opérateur : un composant fondamental utilisé pour générer et modifier le son. Là où le GS1 disposait de quatre opérateurs, le nouveau DX7 en propose six, ce qui lui permet de créer des sons bien plus élaborés. De plus, ce synthétiseur révolutionnaire intègre une interface utilisateur permettant de créer et de modifier des sons, puis de les stocker sur des cartouches mémoire amovibles, le tout pour un dixième du prix d’un GS1 ! Rien d’étonnant à ce que ce nouvel instrument ait aussi profondément marqué le monde des synthétiseurs.

photo:The PAMS, the prototype for the DX series

Le PAMS, prototype de la gamme DX

À cette époque, plusieurs départements Yamaha développent en parallèle des instruments différents. Là où le GS1 avait été précédé par le prototype TRX-100, le prédécesseur direct de la gamme DX était un modèle d’essai, connu sous le nom de PAMS (acronyme de Programmable Algorithm Music Synthesizer, synthétiseur musical à programmation par algorithme). C’est pourquoi la face avant du DX7 porte la mention « Digital Programmable Algorithm Synthesizer ».

Comme son nom l’indique, le PAMS créait des sons à partir de calculs basés sur divers algorithmes – notamment la modulation de phase, d’amplitude, la synthèse additive et bien sûr la modulation de fréquence (FM). Dès le début, le prototype permettait d’enregistrer des programmes en mémoire. Toutefois, cette grande liberté au niveau de la création sonore se traduisait par un accroissement considérable du nombre de paramètres nécessaires. Autrement dit, le PAMS n’était pas encore compatible avec une commercialisation sous forme d’un instrument programmable par un simple utilisateur.

photo:A prototype DX1

Un prototype de DX1

Pour résoudre ce problème, les développeurs Yamaha décidèrent de simplifier le générateur de sons du synthétiseur, en faisant partager des paramètres communs aux générateurs d’enveloppe de l’opérateur modulateur* et de l’opérateur porteur*. Ils réduisirent par ailleurs à 32 le nombre d’algorithmes – ou combinaison prédéterminée d’opérateurs. Cela déboucha sur la création de la gamme DX originale, comprenant les modèles DX1, DX5, DX7 et DX9. Quatre modèles commercialisés, mais cinq codes de modèles utilisés lors du développement : DX1, DX2, DX3, DX4 et DX5. Le DX1 ne changea pas de nom lors de sa commercialisation, ce qui est rare pour un produit Yamaha. Les DX2 et DX3 fusionnèrent sous la forme du DX5. Les modèles de développement DX4 et DX5 furent respectivement rebaptisés DX7 et DX9 lors de leur mise sur le marché.

photo:From the TX7 catalog (English). Here the TX7 is shown attached to a DX7.

Extrait de la brochure anglaise du TX7, représenté ici connecté à un DX7.

Le DX7 fut un succès immédiat dans le monde entier, l’instrument et sa palette sonore régnant sans partage sur la musique populaire des années 80. Il faut noter que nombre de ses technologies et fonctionnalités influencèrent de façon prépondérante le développement des modèles ultérieurs de synthétiseurs, toutes marques confondues.

Un exemple : son écran LCD de 2 lignes de 16 caractères. Avant le DX7, les valeurs des paramètres des synthétiseurs étaient entrées par l’intermédiaire de potentiomètres et de curseurs. Il n’existait donc aucun moyen de connaître précisément ces valeurs, ni d’afficher le nom du son. Avec l’arrivée de l’interface utilisateur du DX7, il devenait possible de visualiser tous types d’information, et c’est ainsi que naquit la tradition d’attribuer des noms aux sons. De plus, pouvoir appeler chacun des paramètres pour modifier sa valeur sur l’écran LCD supprimait la nécessité de disposer de nombreux contrôleurs sur le panneau avant de l’instrument: celui du DX7 était dépouillé, clair et bien structuré, ce qui aurait été impossible sans cet écran. Cette différence évidente avec les synthétiseurs du passé contribua beaucoup à l’exceptionnelle popularité de l’instrument.

photo:A connection diagram from the TX7 catalog. The catalog feature explanations with the TX7 and QX7 connected to a DX7.

Schéma de branchement tiré d’une brochure du TX7. On y trouve des explications concernant la connexion entre un TX7, un QX7 et un DX7.

Autre fonctionnalité novatrice du DX7 : il utilisait des cartouches mémoire pour stocker et rappeler les sons – ce qui n’était possible que grâce à sa conception numérique. Alors que le GS1 utilisait des cartes de sons de type magnétique, Yamaha décida qu’il serait plus approprié pour la Série DX de recourir à des mémoires numériques, insensibles aux puissants champs magnétiques générés par les aimants des enceintes acoustiques en particulier. Le DX7 permettait d’enregistrer 32 sons en mémoire interne, mais en enfichant une cartouche ROM dans l’emplacement dédié, 64 autres sons supplémentaires étaient disponibles. Des cartouches RAM permettaient de sauvegarder et rappeler jusqu'à 32 sons. Cette possibilité de multiplier le nombre de sons est propre au synthétiseur numérique, et notre approche ‘cartouche de sons’ très pratique permettait par ailleurs à tout un chacun de disposer des sons de musiciens professionnels. À l’époque des synthétiseurs analogiques, la seule façon de reproduire les sons utilisés par les professionnels consistait à noter les positions de chacun des potentiomètres. Et même ainsi, il était pratiquement impossible de retrouver exactement les mêmes valeurs de paramètres, donc le même son. De leur côté, les propriétaires de DX7 pouvaient acheter des cartouches contenant les sons d’instrumentistes célèbres, avec une précision absolue. Cette nouvelle approche permettait non seulement de posséder le même instrument que son idole, mais aussi de jouer exactement les mêmes sons : une idée extrêmement séduisante pour les musiciens amateurs.

Par ailleurs, il est important de mentionner les améliorations remarquables obtenues par les développeurs Yamaha au niveau de la qualité de jeu au clavier – un aspect très important, compte tenu de la complexité des sons désormais disponibles grâce à la synthèse FM. La mécanique du clavier sensible à la vélocité et à la pression permet ainsi au générateur FM de moduler les sons selon une myriade de façons différentes. Afin de tirer le meilleur de cette technologie, nous avons décidé d’équiper le DX7 de notre clavier "FS". Développée à l’origine pour l’Electone, cette mécanique de clavier est restée un élément distinctif des claviers Yamaha haut de gamme pendant plus de 20 ans, plébiscitée par un grand nombre de musiciens.

Dernier aspect, et non des moindres : le DX7 était compatible MIDI – un protocole dévoilé en 1982, permettant aux instruments de musique d’échanger des informations numériques. Non seulement les notes jouées étaient transmises, mais aussi les données générées par l’utilisation de la pédale de soutien, la pédale de volume, et bien d’autres contrôleurs liés au jeu et à l’interprétation. L’adoption par Yamaha de ce standard, si tôt après son apparition, fut une autre raison pour laquelle le DX7 capta autant l’attention à son époque, et les fonctionnalités disponibles étaient tout aussi inspirantes. Par exemple, en commandant le DX7 par l’intermédiaire d’un séquenceur MIDI – un appareil permettant de jouer des synthétiseurs automatiquement en leur envoyant des données MIDI – on pouvait rejouer, à la note près, ce qu’avait interprété un autre musicien, ou créer sans effort des parties robotiques ou très rapides, qu’un être humain aurait eu beaucoup de mal à jouer directement. Ce qui nous amène à évoquer encore un autre aspect qui attira l’attention sur le DX7 : sa capacité à produire des musiques de pointe avec des sons dance et techno innovants, des styles nés dans les années 80 et reposant sur des lignes musicales MIDI robotiques jouées avec des sons de basse synthé assez durs, au son FM typiquement reconnaissable.

Le monde des synthétiseurs en plein bouleversement

Après l’introduction du DX7, le monde des synthétiseurs connut des changements majeurs. L’ajout du MIDI permettait de jouer automatiquement des parties musicales, mais il fit aussi naître le concept d’expandeur, module de sons supplémentaire pour les musiciens jouant en direct. Par exemple, si on reliait en MIDI deux DX7 réglés sur le même son de piano électrique, en en désaccordant légèrement un, on obtenait un effet de chorus marqué, rendant le son global beaucoup plus riche. Ce principe s’appliquait tout aussi bien avec un nombre de synthétiseurs supérieur, et comme personne ne pouvait physiquement jouer trois ou quatre claviers simultanément, nous avons réalisé qu’un DX7 uniquement utilisé pour cette capacité d’expansion sonore n’avait pas besoin de clavier. Notre réponse fut la Série TX d’expandeurs : des générateurs de sons, sans clavier.

Le DX7 fut suivi d’un certain nombre d’expandeurs, dont le TX816, modèle rackable capable de produire des sons extrêmement riches, et le TX7, qui abritait dans un coffret aux lignes bien reconnaissables un générateur de sons de DX7. Les sons FM luxuriants obtenus par extension des générateurs de sons devinrent eux aussi une composante incontournable de la scène musicale de l’époque, et ces produits y gagnèrent au passage une excellente réputation.

Les synthétiseurs Yamaha de la gamme DX évoluèrent en même temps que les technologies disponibles. Présenté en 1986, le DX7 II possédait un châssis aluminium, pour un poids réduit et une portabilité améliorée ; il intégra par la suite un lecteur de disquette 3,5 pouces, ce support mémoire étant très utilisé à l'époque. Plus tard, certains modèles de la gamme reçurent des fonctionnalités encore plus créatives, comme la double sortie avec compatibilité stéréo ou la possibilité de modifier l'accord, permettant aux musiciens de jouer d’autres gammes que la gamme tempérée occidentale – pour les musiques orientales par exemple. Commercialisé un peu plus tôt, le mini-clavier DX100 bénéf iciait pour sa part d’un certain nombre d’innovations spécifiquement conçues pour l’interprète : par exemple, la molette de pitch bend était placée dans le coin supérieur gauche, ce qui permettait d’y accéder même lorsqu’on jouait debout, l’instrument tenu par une sangle. Dans ce cas précis, une fonction permettait d’inverser le sens de variation des paramètres, afin de pouvoir agir sur la hauteur des sons de la même façon que sur une guitare.

Non seulement la gamme DX exerça une influence profonde sur la musique des années 80, mais elle constitua aussi un atelier de développement de l’interface utilisateur de tous les synthétiseurs modernes ultérieurs, et de leurs fonctionnalités de base en tant qu’instrument.

En route vers la production musicale à la maison

Jusque dans les années 80, les musiciens amateurs jouaient bien sûr leur musique sur scène, mais les enregistrements s’effectuaient exclusivement dans des studios professionnels. Toutefois, au fil de la décennie, les 4 pistes cassette devinrent de plus en plus répandus. Ils permettaient d’enregistrer les pistes successivement sur une cassette audio standard, et offrirent ainsi à tout un chacun, quelles que soient ses capacités techniques, la possibilité de produire des enregistrements multipistes sans sortir de chez soi. Le processus courant consistait à enregistrer d’abord la rythmique avec une boîte à rythmes, puis d’ajouter la basse, la guitare et les claviers afin d’arriver au morceau complet. Les instruments MIDI étant de plus en plus répandus, les musiciens ont pu commencer à synchroniser séquenceurs et boîtes à rythmes, et utilisèrent de plus en plus des synthétiseurs MIDI comme les DX pour enregistrer les pistes de basse et les accords. Ceci dit, le DX7 ne pouvait jouer qu’un seul son à la fois. Il en fallait donc deux si on voulait enregistrer simultanément une partie de basse et une partie de piano électrique, par exemple.

Yamaha proposa une solution : l’expandeur multitimbral. Il suffisait d’assigner les données MIDI de telle partie à tel canal, et de les enregistrer sur un séquenceur MIDI, de la série QX par exemple – la partie de basse sur le canal MIDI 1, la partie de piano sur le canal 2, la partie de marimba sur le canal 3. Envoyée à un expandeur multitimbral, chaque piste se voyait assignée à un son précis – dans cet exemple, l'expandeur multitimbral faisait le travail de trois générateurs de sons séparés. Le produit développé par Yamaha conformément à ce principe était l’expandeur TX81Z. Cet appareil révolutionnaire contenait l’équivalent de 8 synthétiseurs FM, chacun doté de 4 opérateurs dédiés. Rien n’empêchait bien sûr d’assigner ces 8 générateurs de sons FM à un même canal MIDI, ce qui permettait d’obtenir des sons d’une richesse et d’une densité inouïes. De plus, ces opérateurs proposaient, pour la première fois, d’autres formes d’ondes que le sinus : pour cette raison, le TX81Z est souvent considéré comme un trésor caché parmi les expandeurs.

C’est à cette époque que les producteurs commencèrent à jouer successivement toutes les parties d’un morceau – rythmique, basse, harmonies – sur leur synthétiseur, et des modèles intégrant un séquenceur MIDI apparurent sur le marché. Développé pour répondre à ce besoin, le Yamaha V-50 fut le synthétiseur FM ultime : il rassemblait un TX81Z, un clavier, un séquenceur MIDI 8 pistes, une boîte à rythmes basée sur un générateur PCM et un multieffet numérique. Cet instrument abattit les frontières du synthétiseur numérique, ouvrant l’ère du synthétiseur de production musicale, ou "workstation".

En moins de dix ans, entre l'apparition du GS1 en 1981 et celle du V50 en 1989, nos synthétiseurs numériques évoluèrent d’un instrument "basique" à une station de travail suréquipée. Sans aucun doute, les années 80 furent l’une des périodes les plus passionnantes et les plus dynamiques dans l’histoire des synthétiseurs Yamaha.

photo:V50

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photo:DX9

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photo:DX7II D

DX7II D

photo:DX100

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photo:TX816

TX816

photo:TX81Z

TX81Z