YEP-642SII
Yoshihiko Matsukuma - Le concepteur des euphoniums et des tubas Neo
Yoshihiko Matsukuma a déjà travaillé sur le développement des instruments viennois avec les membres de l'Orchestre Philharmonique de Vienne, a été impliqué dans la division de recherche acoustique Yamaha et il est un des développeurs du système Silent Brass. Il travaille actuellement en tant que concepteur des cuivres en se concentrant principalement sur le tuba et l'euphonium.
Qu'est-ce qui vous a décidé à développer les cuivres Neo ?
Tout a commencé par une demande venant de musiciens professionnels. Ils voulaient un instrument qui avait un son plus large, plus doux que ceux des autres instruments à vent Yamaha à cette époque-là et voulaient aussi être en mesure d'apporter leur «son » et leur «expressivité» au moment de l’envoi de l’air tout en ayant une sensation de confort. Au cours du développement, je suis allé plusieurs fois en Grande-Bretagne pour étudier de quelle manière les personnes jouaient sur ces instruments. J'ai ressenti la vibration sonore réelle que je ne pouvais pas éprouver simplement en écoutant des CD, puis j'ai pensé à la façon de l'appliquer à la conception de ces nouveaux instruments. Tout d'abord, j'ai fait des prototypes au Japon, puis j'ai pris l'avion avec eux pour me rendre à l'Atelier Yamaha de Hambourg afin d'apporter progressivement des améliorations, car il y avait là des artistes pour les évaluer et des techniciens pour les modifier avec des outils et des pièces adéquates.
Qu'avez-vous découvert au Royaume-Uni ?
Avec Bill Millar et les techniciens de l'Atelier Yamaha d’ Hambourg.
Le niveau de performance des musiciens. Je pouvais voir la vraie façon dont les personnes jouent en Grande-Bretagne. J'ai appris quels étaient les facteurs de performance qui avaient une importance particulière. La qualité sonore ou le volume sonore ? Lecture d'un passage rapide ? Ou la fierté des tubistes jouant dans un registre grave ? Les artistes qui viennent au Japon sont généralement des musiciens célèbres. Ils sont hautement qualifiés et ce sont des solistes capables de jouer à un très haut niveau sur pratiquement n'importe quel instrument. Ils ne sont pas habitués à jouer dans des ensembles où le son se mélange, avec des musiciens de différents niveaux et sur des instruments fabriqués différemment. C'est ainsi que vous apprenez quelles notes dans un instrument peuvent avoir des problèmes d'intonation. N'écouter que des conseils ou un son donné par ceux qui ne jouent pas dans ces situations réelles ne vous aide pas. Cela signifiait beaucoup pour moi d'assister à la situation réelle en Grande-Bretagne. Contrairement aux groupes des écoles japonaises, les groupes britanniques rassemblent différents membres, des enfants aux adultes et aux plus anciens. Les groupes britanniques ont une atmosphère et un environnement où les jeunes membres observent et apprennent des musiciens plus âgés. Je savais cela dans ma tête, mais c'était génial de le voir et de le ressentir.
Pouvez-vous nous raconter un épisode du développement ?
Les principaux acteurs qui ont joué un grand rôle dans le développement de l'instrument sont Thomas Lubitz et Eddie Veit, les techniciens de l'Atelier Yamaha d’Hambourg. Ce sont mes chers collègues qui partagent les mêmes idées et les mêmes objectifs techniques. Il est très important qu'un technicien et un concepteur puissent discuter des questions techniques sur le même plan. Par exemple quand ils parlent de la façon de traiter la demande d'un musicien, ils doivent être en mesure de dire quelque chose comme "OK le son est bon, mais il y a également une inaptitude dans l'intonation", sur le même plan. Aussi, lorsque l'euphonium Neo a été achevé, Steven Walsh, premier Euphonium de l’ensemble Brighouse & Rastrick, en a fait l'éloge en le décrivant comme "un euphonium dans la plus pure tradition britannique qui soit". Sa reconnaissance comme instrument "traditionnel" était juste ce que je voulais, j'en ai donc été très heureux.
Y a-t-il une chose à laquelle vous êtes particulièrement attaché dans l'élaboration d'un instrument ?
En ce qui concerne le modèle Neo, c'est l'équilibre entre le son et la résistance. Lorsque je tente d'augmenter la résistance, elle peut parfois être poussée trop loin. Donc, je l'équilibre avec le son en arrêtant d'augmenter la résistance quand elle atteint un certain point afin d'éviter que le son ne devienne trop compact. De plus, il faut un bon équilibre entre confort du souffle et résistance dans tous les registres, une connexion sans heurt des notes et une intonation précise sont également importants. Ces choses-là, que certains instruments anciens n'avaient pas, ont été obtenues par la suite.
La conception d'un instrument est-elle un calcul ou un sentiment ?
Matsukuma avec Simon Gresswell.
Je ferais plutôt confiance à mon instinct. Je peux calculer la perce du tube dans une certaine mesure, mais le calcul de l'épaisseur de la paroi, que l'on fait parfois à des fins de fabrication, n'est pas très utile pour le son. Par exemple, quand un musicien essaie plusieurs instruments, je regarde son expression faciale plutôt que d'écouter le son. Lorsque je demande son avis à l'instrumentiste après l'essai, je remarque parfois que la réponse est différente du son produit. De même quand je reçois par @mail des remarques de musiciens d'outre-mer, il peut être facile de se méprendre. Pour éviter de telles choses, je vais à l'étranger, autant que possible écouter le son par moi-même, voir le regard sur le visage du musicien, et penser par moi-même, tout en écoutant les opinions de ceux qui sont là et entendent le même son. N'écoutez que les mots conduit certainement à des malentendus. Par exemple, quand un musicien teste une autre marque d'instrument et dit : «J'aime bien ce type de son", si je suis là pour entendre le son de mes oreilles, un dessin me vient à l'esprit. Puis mon instinct commence à travailler sur le dessin afin de déterminer l'épaisseur de la paroi, au dixième de mm près. La conception se passe comme ça. Ça ne peut pas être calculé.
Qu'est-il nécessaire d'avoir pour être un concepteur d'instrument de musique ?
Thomas Lubitz et Eddie Veit à l'Atelier Yamaha d’Hambourg.
Je pense qu'un concepteur doit comprendre les choses à la fois en théorie et dans le ressenti. Être bon dans seulement l'un ou l'autre est inutile. Une fois que vous avez les deux, comme je viens de le mentionner pour l'épaisseur de la paroi, l'écoute d'une tonalité vous donne instantanément une image du spectre. Voir une seule partie d'un cuivre vous fait imaginer la chose. Comme une image aux rayons X, cela apparaît de manière transparente. Alors je dis "OK, nous allons le changer de x mm pour l'améliorer.
Je veux m’imprégner à la fois de la théorie et du ressenti, en faisant attention à bien les équilibrer, pour éviter d’aller dans une seule direction. Un bon concepteur doit être capable, en écoutant uniquement l’artiste jouer, de dessiner l’instrument. Il ou elle doit être en mesure de savoir si un instrument produit un bon son en voyant son dessin de conception. Je crois que "l'instrument idéal" peut être trouvé en reliant le côté émotionnel ressenti par l’artiste et la théorie.